
L’agriculture bio, une pression supplémentaire sur la biodiversité ?
Basile s’est orienté vers une agriculture bio car d’après lui elle est plus respectueuse de l’environnement, pourtant, il entend régulièrement dire que cette agriculture consomme plus d’espaces et met donc la biodiversité en danger en augmentant la pression de l’homme sur les animaux. Alors, VRAI ou FAUX ?
FAUX. Effectivement, l’AB consomme plus d’espace parce que que ses rendements sont plus faibles. On en a parlé dans la partie précédente. Cependant, pour évaluer correctement l’influence de l’AB sur la biodiversité, il faut prendre en compte plus de paramètres !
Par exemple, on estime qu’il y a en moyenne 25% de faune (animaux/micro-organismes) en plus dans un champ bio, notamment des espèces auxiliaires qui vont protéger les cultures.
Basile remarque aussi qu’il y a une plus grande diversité d’organismes dans son champ que dans un champ conventionnel. De plus, son sol a un taux de carbone plus élevé ce qui est plus propice à la vie. Toute cette activité des organismes vivants va bien sûr augmenter le rendement du champ mais aussi l’aider à réguler les espèces nuisibles et donc réduire le besoin en pesticides. Dans leur grande bonté, les micro-organismes vont aussi aider à la dégradation des polluants et donc réduire l’impact environnemental du champ.
Finalement, les champs bio hébergent 30% d’espèces (faune et flore) en plus et 50% d’individus en plus en moyenne. Donc pour résumer, oui l’AB consomme plus d’espace, mais les sols cultivés et les environs sont plus riches en biodiversité.
Petite remarque concernant la déforestation. Elle est généralement imputée à l’agriculture biologique à cause de son besoin d’espace. Pourtant, le gros de la déforestation se fait dans la forêt amazonienne à cause de l’élevage ou de la culture intensive de soja, qui sert à nourrir les élevages européens. Concernant la déforestation en France, les forêts se portent bien. Donc l’impact de notre alimentation sur la déforestation se fait beaucoup plus à travers de notre part de viande dans notre régime que de notre part d’aliments bio.
Des produits naturels mais moins efficaces ?
Bérangère : « Oui mais en agriculture biologique, ils ont des produits moins efficaces et plus dangereux pour l’environnement ! ». Basile a beaucoup entendu cette phrase. D’ailleurs il y a eu de nombreux scandales à propos des produits phytosanitaires utilisés en agriculture biologique, avec par exemple la réintroduction récente des néonicotinoïdes. Le problème avec tous ces noms compliqués, c’est qu’on est vite perdus. Donc Basile va nous rendre un service et étudier ces pesticides les uns après les autres. Quelques-uns sont bio et d’autres sont utilisés en conventionnel :
- Bouillie Bordelaise (bio) : mélange de Cuivre et de Chaux. Efficace pour traiter les cultures, beaucoup utilisée par les vignerons. Problème majeur : du cuivre s’accumule dans le sol et le rend stérile. De plus ce pesticide est toxique pour les humains et la biodiversité en général, mais il y a peu d’autres pesticides qui peuvent combattre des maladies comme le mildiou ou la rouille. En cas de pluie, ce pesticide est lavé, impliquant des applications plus régulières.
- Pyréthrines (bio) : Ils sont peu nocifs, se dégradent rapidement mais sont également moins spécifiques (moins précis dans leurs actions). Il peut être nécessaire d’en utiliser de grandes quantités. À cause de leur forte biodégradabilité, il sera plus efficace de planter quelques pieds de pyrèthre dans votre potager que d’utiliser le pesticide.
- Huile de Neem (bio) : Plus un répulsif qu’un insecticide. Peu toxique pour les mammifères et les oiseaux, d’ailleurs aussi utilisée en cosmétique. Principalement actif contre les petits organismes (bactéries, champignons, insectes).
- Roténone (conventionnel) : Favorise l’apparition de Parkinson mais rémanence faible, donc l’agriculteur est en danger mais pas l’environnement ou le consommateur. Maintenant interdit à l’utilisation.
- Néonicotinoïdes (conventionnel) : Très dangereux pour la biodiversité, même à faible dose, mais efficace. C’est un produit à très forte rémanence. Interdits en France durant l’été 2018, ils sont ré-autorisés pour la culture de betterave sucrière non bio.
- PBO (conventionnel) : ce n’est pas un pesticide en tant que tel mais il amplifie l’effet et la durée de vie des autres pesticides. Perturbateur endocrinien reconnu. Interdit à l’utilisation en bio depuis 2017.
Comme on a pu le voir, les produits compatibles avec la certification AB peuvent avoir des problèmes d’efficacité. En revanche, ils ont l’avantage net de permettre le développement biologique du sol contrairement à la majorité des produits chimiques. En effet, moins de 0,1% des pesticides atteignent leur cible originelle et causent des dégâts sur la biodiversité environnante. Donc moins les pesticides sont dangereux et plus ils sont spécifiques, mieux se porte la biodiversité. En cela, les produits bio sont avantagés car généralement moins toxiques.
Une culture moins émettrice de gaz à effet de serre ?
Les émissions de gaz à effet de serre… Selon les méthodes de calculs et les cultures/élevages considérés, les résultats peuvent beaucoup varier. Mais en moyenne, l’agriculture bio émet moins de gaz à effet de serre, VRAI ou FAUX ?
VRAI, mais c’est très variable. Le vrai problème des émissions de GES (gaz à effet de serre) dans l’alimentation n’est pas entre bio ou conventionnel. La majorité des émissions de GES est issue du type de culture et de la saison de la culture. Ainsi, une culture hors saison sous serre chauffée émettra beaucoup plus de GES qu’une culture en pleine saison, bio ou pas. De même, les produits bio ne sont pas toujours synonymes de « produits locaux » malgré ce que beaucoup de gens pensent. Donc il faut prendre en compte les émissions du transport, même si c’est une part faible des émissions totales.
Pour se recentrer sur la question bio/conventionnel, l’agriculture bio a un gros avantage sur l’agriculture conventionnelle : elle stocke du carbone dans le sol, essentiel pour la fertilité. Au contraire, l’agriculture conventionnelle fait baisser ce taux de carbone. Il se trouve alors émis directement et indirectement dans l’atmosphère sous forme de GES.
Les quantités de CO2 que l’on peut stocker grâce à l’agriculture sont massives ! Une augmentation du taux de carbone dans le sol de 0,4% par an à l’échelle planétaire compenserait nos émissions entières de CO2 d’après l’INRA. Autre point très positif pour le bio : l’utilisation des engrais azotés est interdite alors qu’ils représentent 23% des émissions de GES de notre alimentation.
En revanche, la situation pour les élevages est inversée. Les animaux vivent plus longtemps en bio qu’en conventionnel, ils ont donc plus de temps pour émettre des GES avant d’être consommés, donc plus d’émissions par kilo de viande produite. Cependant, les élevages bio produisent moins de viande à surface égale et émettent donc moins de CO2 à surface égale. Le meilleur moyen de limiter les émissions de GES reste de limiter sa consommation de viande, les émissions de GES du bétail représentent 1/5e des émissions mondiales, soit plus que les transports.
Pour résumer, Basile nous explique que l’impact environnemental de l’agriculture biologique et de l’agriculture raisonnée en général est bien meilleur que celui de l’agriculture conventionnelle. En effet, la biodiversité est mieux protégée, les produits utilisés sont moins toxiques et avec une rémanence plus faible et les sols peuvent participer à capter du CO2.
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Sources :
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Quantifier et chiffrer économique les externalités de l’Agriculture Biologique – Rapport de l’ITAB, Institut Technique de l’Agriculture Biologique
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Le mémento Inventaire Forestier Édition 2019 – Rapport de l’IGN, l’Institut National de l’Information Géographique et Forestière
PBO – Page web de l’ITAB, Institut Technique de l’Agriculture Biologique
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Produire bio, un business comme les autres ? – Christian JENTZSCH
L’empreinte énergétique et carbone de l’alimentation en France – Rapport de l’ADEME, Agence de l’Environnement et de la Maitrise de l’Énergie