
Des vraies différences de rendement ?
Le Rendement ! Le premier argument qui ressort quand on entend des débats sur l’agriculture biologique, c’est le rendement qui serait plus faible que le conventionnel. Cela causerait tout un tas de problèmes tels qu’une augmentation de la surface des cultures ou l’arrivée de nouveaux champs dans des écosystèmes protégés. Alors, VRAI ou FAUX ?
VRAI, mais les écarts de rendements sont faibles. D’ailleurs, dans les pays où le conventionnel est peu développé, l’agriculture bio a de meilleurs rendements. En France par exemple, le rendement du bio est plus faible que celui du conventionnel.
Mais dis-moi Jamy, comment ça se fait ?
Ce qu’il se passe en général, c’est que l’agriculture bio est issue de la conversion d’une terre cultivée anciennement sous un modèle intensif/conventionnel. Cette agriculture est aussi appelée « minière » parce qu’elle « mine » les nutriments du sol. D’ailleurs, en Europe, la grande majorité des sols sont fortement endommagés à cause de cette intensivité.
De plus, un agriculteur qui voudrait faire une transition vers du bio ne pourra pas utiliser tous les outils à la disposition d’un agriculteur conventionnel pour compenser ce manque de nutriment. En revanche, il va progressivement améliorer la qualité du sol et ainsi faire remonter le rendement.
Ce qu’on observe en pratique, c’est que le rendement d’une nouvelle ferme bio est 25% inférieur à son équivalent conventionnel et que plusieurs années plus tard, une fois que l’agriculteur a bien travaillé son sol et le connait bien, l’écart de rendement peut tomber à moins de 10%.
Car oui, le rendement d’une ferme dépend beaucoup de la culture choisie par l’agriculteur, surtout en bio ! Ainsi, un agriculteur qui décide de mélanger différentes espèces sur la même parcelle et qui ne fait que des produits bien adaptés à son sol et à son climat aura un rendement bien plus élevé.
Une agriculture plus sensible aux maladies ?
Une question que Basile se pose également, c’est de savoir comment combattre les pestes (maladies, champignons, mauvaises herbes, animaux, bactéries) avec assez d’efficacité pour éviter que son rendement ne chute trop fort et lui fasse perdre de l’argent. On estime en effet que l’agriculture conventionnelle est plus adaptée à la lutte biologique. VRAI ou FAUX ?
FAUX ! L’agriculture biologique peut être extrêmement bien adaptée à la lutte biologique. En effet, le concept est radicalement opposé entre bio et conventionnel. En conventionnel, on utilise des pesticides qui tuent la menace. Le problème c’est qu’en moyenne 0.1% des molécules des pesticides atteignent leur cible, ce qui cause une forte baisse de la biodiversité du champ et de ses alentours et donc une fragilité du champ aux attaques biologiques.
À l’opposé, l’agriculteur bio cherche à conserver et à développer la biodiversité de son champ et de ses alentours. Cette biodiversité lui servira à protéger son champ. On remarquera même quelque chose d’intéressant : la diversité des plantes cultivées en bio permet de réduire fortement l’apparition d’épidémies sur ses terres !
En agriculture conventionnelle, 90% des surfaces de blé sont sensibles à une version dangereuse de la rouille du blé. Comment ça se fait ? Les espèces de blé cultivées actuellement sont très proches génétiquement les unes des autres et sont donc sensibles aux mêmes maladies. Une épidémie et c’est la catastrophe.
Si vous avez bien fait attention pendant l’introduction, une des techniques utilisées en bio consiste à mélanger différentes espèces. En Chine dans la province du Yunnan, ils ont eu le même problème avec du riz. À force de planter toujours la même espèce de riz à fort rendement, les épidémies se sont multipliées et les rendements ont chuté. La technique trouvée a été d’alterner différentes espèces de riz sur une même parcelle : le risque d’infestation a baissé de 94% !
La diversité des cultures ?
On en vient au point suivant : la diversité des cultures. C’est une des conditions pour obtenir la certification AB. Basile est forcé de cultiver des plantes différentes. Ça peut passer par différentes cultures qui alternent sur une même parcelle pendant l’année, on parle d’assolement. Ça peut être des cultures mixtes, c’est-à-dire plusieurs cultures sur une même parcelle. Ça peut aussi être une rotation de cultures d’année en année. Quels sont les avantages ? Il y en a plein !
Déjà Basile améliore la qualité de son sol parce que chaque plante absorbe et rejette des éléments différents dans le sol. Alterner les cultures permet de garder un équilibre de ces éléments et donc de conserver un bon rendement ! Ensuite, alterner les cultures et faire des parcelles plus petites et mixtes permet de gêner les espèces parasites.
Il y a deux phénomènes qui expliquent qu’un parasite soit gêné pour attaquer une plante sensible : si l’espèce sensible au parasite est diluée dans la masse, le parasite aura plus de mal à la trouver pour l’infecter. Ensuite, plus on plante d’espèces aux caractéristiques différentes, plus y a de chances que certaines espèces repoussent ce parasite.
Les élevages intensifs utilisent beaucoup d’antibiotiques parce que les animaux sont collés les uns aux autres, ce qui favorise les épidémies. De même, les cultures qui mélangent différentes espèces dans la même parcelle subissent moins de ravages car les pestes ont plus de mal à s’y propager. Et même si des pestes parviennent à s’y propager, toutes les plantes ne seront pas touchées, car chaque plante a une résistance spécifique à chaque peste, au contraire d’une culture intensive homogène.
Et pendant le transport ?
Bérangère : « oui mais de toutes façons les produits bio s’abiment vite par rapport aux produits conventionnels, donc c’est forcément moins bien ! ». Qu’est-ce qu’en pense Basile ? Il nous expliquera que les produits bio ne reçoivent pas les mêmes traitements après cueillette que les produits conventionnels. Ainsi, les pommes sont recouvertes d’une cire qui permet d’améliorer leur conservation, d’où l’aspect luisant et parfois légèrement collant en magasin. Un autre exemple est l’irradiation ou « ionisation » des denrées. Le principe est d’envoyer des rayons gamma, rayons x ou faisceaux d’électrons sur un aliment pour tuer certains micro-organismes et insectes.
Les aliments sont donc plus stables pour le transport mais des nutriments ont aussi été détruits dans le processus. Les produits bio ne peuvent pas être irradiés et toutes les cires ne peuvent pas être utilisées. Globalement, les labels bio donnent accès à moins d’outils pour conserver les aliments.
Pour résumer, l’Agriculture Biologique a un rendement plus faible de 10 à 25% par rapport au Conventionnel. En revanche, la biodiversité liée au champs est mieux protégée. De plus, les différentes techniques utilisées par l’agriculture biologique lui permettent d’être résiliente par rapport aux menaces biologiques. Finalement, si les fruits et légumes bio se conservent moins bien que les autres, c’est à cause du traitement après cueillette qui est différent. D’ailleurs, limiter le gaspillage permet de réduire le besoin de production des agriculteurs et de mieux protéger les sols.
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Sources :
Catherine Brahic, « Organic farming could feed the world », New Scientist.com, 12 juillet 2007 (lire en ligne [archive]) se basant sur l’article : C. Badgley, J. Moghtader, E. Quintero, E. Zakem, M.J. Chappell, K. Avilés-Vázquez, A. Samulon, I. Perfecto, « Organic agriculture and the global food supply », Renewable Agriculture and Food Systems, vol. 22, no 2, 2007, p. 86 (DOI 10.1017/S1742170507001640).
Guide de la résilience alimentaire – Étude / Les Greniers d’Abondance
L’agriculture biologique, plus productive qu’on ne le pense – article de Pierre LE HIR dans Le Monde
L’agriculture biologique peut-elle nous nourrir tous ? – article de Brian HALWEIL dans le magazine L’État de la Planète
Gestion de la diversité dans les systèmes agricoles (p360) – édité par D. I. JARVIS, C. PADOCH, y H. D. COOPER