Le Bio et l’Économie

Bérangère : « Le bio c’est plus cher », VRAI ou FAUX ?

VRAI sans surprise et ce pour de nombreuses raisons. Basile pourra vous le certifier, les coûts pour produire du bio sont importants. En effet, nous avons vu que la conversion d’un sol au bio dure minimum 2 ans. Période pendant laquelle le rendement chute : il faut attendre plusieurs années avant de retrouver un rendement proche de celui du conventionnel. Toute cette attente constitue une perte de revenus qu’il faut compenser lorsque la certification AB est reçue. En revanche, gros avantage du bio : les investissements sont moins importants. C’est-à-dire que Basile a besoin de moins s’endetter pour acheter de l’équipement agricole.

Ensuite, le bio reste rare (-10% de la surface agricole), donc forcément le prix est impacté. Et comme les consommateurs de bio ont généralement plus de pouvoir d’achat, ils acceptent de payer plus cher, ce qui permet d’ailleurs aux vendeurs de conserver voire augmenter leur marge.

Dans le même état d’esprit, des experts se sont demandé pourquoi le prix du bio ne baisse pas alors que la surface de production est en pleine expansion. En économie, une hausse de production implique généralement une baisse des prix. Ici, La réponse est simple : le profit. Les investisseurs y ont vu un marché à exploiter et en profitent ! Comme la demande augmente plus vite que la production, les prix ne baissent pas encore. Le bio est devenu un business.

Finalement, Basile a probablement une exploitation plutôt petite, les exploitations bio sont en moyenne plus petites. Il peut moins jouer sur les économies d’échelle, ce qui crée des surcoûts. Il a aussi besoin de plus de main d’œuvre : il va par exemple embaucher des intérimaires de temps en temps pour les récoltes, augmentant encore le coût de sa production.

               Bérangère : « C’est possible d’avoir du bio pour pas cher », VRAI ou FAUX ?

VRAI, nous allons voir quels sont tous les moyens à votre disposition pour payer vos produits bio le moins cher possible. Basile avait l’habitude de revendre ses produits à la coopérative locale qui revendait elle-même ses produits aux distributeurs de la région. Pour Basile c’est une sécurité : il est sûr de vendre ses fruits et légumes, en revanche le prix de vente est plus faible qu’une vente directe. En effet, dans le prix final du produit, on trouve la rémunération de tous les intermédiaires entre le producteur et le consommateur.

Moins d’intermédiaires signifie un produit moins cher et plus de marge pour le producteur. Vous pouvez donc rejoindre des AMAP par exemple qui sont des associations permettant un rapport direct entre producteurs et consommateurs.

Il y a aussi des solutions pour les citadins. Le modèle d’épicerie collaborative devient de plus en plus populaire par exemple. Le concept est simple : pour pouvoir acheter des produits dans l’épicerie collaborative il faut y travailler quelques heures par mois. Typiquement, être caissier 1h ou 2h par mois permet d’y faire ses courses à volonté. L’avantage ? Des produits moins chers car il y a besoin de moins de main d’œuvre pour entretenir l’épicerie, parce que ce sont des produits locaux et parce qu’il y a moins d’intermédiaires.

Dans le même concept, vous pourrez trouver des épiceries bio en ligne qui baissent leurs coûts par la dématérialisation ou des réseaux anti-gaspillage comme les frigos solidaires, les applications TooGoodToGo et Phenix.

Les gains du bio pour la société ?

Basile s’en rend très bien compte, à force de vendre ses fruits bio au village voisin, il a appris à connaître la plupart de ses habitants. Entre Mamie qui préfère les fruits bien mûrs pour ne pas s’abimer les dents, et le petit jeune qui lui achète une seule pomme à chaque fois, ils ont chacun leurs habitudes.

Premier effet Kiss cool, les fermes bio et surtout les maraichers bio ont tendance à créer un écosystème autour d’eux. Le tissu social est renforcé par cette vente en direct, les acheteurs ont un rapport à l’alimentation plus sain. Les consommateurs ont tendance à privilégier l’achat local et de saison lorsqu’il y a un producteur bio dans la région.

Deuxième effet Kiss cool : l’agriculture bio est créatrice d’emplois. En effet il y a un gros besoin de main d’œuvre en agriculture biologique. Pour une même surface, le bio aura besoin de plus de monde pour cultiver le sol ou récolter. Ainsi, l’ITAB évalue que le besoin en main d’œuvre augmente de 0.14 UTA pour les exploitations bio en vente directe (Unité de Travail Annuel = équivalent de travail d’une personne à temps complet).

Petite précision cependant, ce besoin de main d’œuvre supplémentaire dépend beaucoup du type de culture. De plus, des métiers annexes peuvent être créés ou détruits. Par exemple, le bio consomme moins d’intrants (engrais, pesticides notamment), donc moins de personnes qui travaillent dans ces domaines. À l’opposé, le bio peut enrichir le tourisme et la culture locale et créer des emplois, toujours selon l’ITAB.

Le coût de la société pour le bio ?

Pour résumer, Basile nous a parlé de l’impact du bio sur nos économies personnelles. Nous avons ensuite enchainé sur l’impact du bio sur l’économie locale. Mais qu’en est-il de l’impact de l’Economie sur le bio ? Il faut savoir que la production agricole est contrôlée par la politique alimentaire internationale. En Europe on appelle ça la PAC pour Politique Agricole Commune. La PAC est une branche du système européen qui distribue des subventions aux agriculteurs pour leur permettre de pratiquer des prix compétitifs face aux autres pays. La PAC distribue ses subventions selon des critères que les agriculteurs vont chercher à optimiser pour obtenir un maximum de subventions. Donc la PAC définit le modèle agricole Européen et Français.

Logiquement, il y a un débat qui se pose alors sur la souveraineté alimentaire, est ce que la France doit diriger elle-même ses capacités de production agricole ? Des questions se posent également sur ce qu’on appelle le « capital sol » ou le « capital biodiversité » qui sont des estimations monétaires de la valeur d’un sol ou d’une biodiversité pour la société. C’est assez flou donc petits exemples :

  • Lors de l’achat d’un sol, un agriculteur s’intéresse à la qualité de celui-ci. En effet, la valeur du sol sur le marché dépend son état. Ensuite, un sol au rendement plus faible fera gagner moins d’argent au cultivateur. On dit que lorsqu’un sol est abîmé, son capital sol baisse.
  • Une biodiversité riche permet de réguler plus facilement les agresseurs biologiques et les maladies dans les cultures. Les agriculteurs utiliseront moins de produits pour traiter leurs champs, il y a donc moins de maladies liées aux pesticides. On dit que le capital biodiversité est plus élevé.

Finalement, il y a de nombreux scandales qui marquent le combat entre agriculture conventionnelle et biologique (fiche politique dans l’agriculture). En effet, l’agriculture conventionnelle est une agriculture d’après-guerre, productiviste et subventionnée par l’état. Tout dégât occasionné par celle-ci (pollution des eaux par exemple) est payé par l’état et donc le contribuable à travers ses services publics (l’assainissement de l’eau).

Il y a donc des coûts cachés qui permettent de justifier en partie l’écart de prix entre les deux agricultures. D’un autre côté, l’agriculture biologique semble plus respectueuse de l’environnement mais sa part de marché est bien trop faible à l’échelle nationale et internationale pour avoir un impact significatif sur les politiques agricoles. Un bon exemple de ce phénomène est la réintroduction des néonicotinoïdes dans la culture de betteraves sucrières non bio en France alors que ce pesticide très dangereux pour l’environnement cause en partie la mort de nombreux insectes, oiseaux et mammifères.

Pour résumer, le bio est plus cher à l’achat que le conventionnel mais cette augmentation de prix s’explique en partie par le besoin en main d’oeuvre plus important. Ce besoin de main d’oeuvre peu d’ailleurs participer à faire baisser le chômage. Le seul problème étant que la politique agricole française est dirigée en partie par la PAC européenne, dont la dernière évolution se fait fin 2020 – début 2021. Finalement, si le bio semble plus cher, c’est aussi parce que le conventionnel abrite des coûts cachés payés par l’ensemble de la société.

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Sources :

Quantifier et chiffrer économique les externalités de l’Agriculture Biologique – Rapport de l’ITAB, Institut Technique de l’Agriculture Biologique

Agriculture biologique : évaluation d’un gisement d’emplois de Vérot D. aux éditions FNAB paru en 1998

« Financial competitiveness of organic agriculture on a global scale »

Drive Fermier

Réseau AMAP

Le bio, plus rentable que l’agriculture conventionnelle ? – Article de Antoine d’ABBUNDO dans La Croix

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